Bild Umschlag
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«Les trois hommes»
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«L’escalier»
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«Dieu le père»
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«Les chaises»
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«Le grand saut»
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«Levoltigeur»

Les Iinogravures de Daniel Divorne ne ressortissent pas à quelque nouveauté technique. Les prouesses, la cuisine, les recherches d'effets et de textures, aujourd'hui largement exploitées, il les a si bien dénombrées qu'il peut y renoncer librement. ll ne s'agit plus de laisser un indéfinissable paysage intérieur faire surface, mais d'être un homme parmi les hommes, qui aspire au partage d'une expérience.
D'une certaine manière, son art renoue avec les débuts de la gravure-sur bois, à la fin du moyen âge-, alors que des artisans diffusaient le message simple et frappant de l'imagerie populaire: sécheresse émouvante des formules familières et des certitudes affirmées.
Mais le métier de Divorne relève d'un savoir combien plus maîtrisé. Il équilibre expressivement les masses, il sait aménager les profondeurs, concentrer la lumière avec force et évidence. La solidité du dessin, la plénitude des noirs- le rouge ne fait que déterminer dans la planche tel ou tel domaine d'acuité-sont immédiatement déchiffrables. Nulle représentation convenue, mais dans une veine à la fois narrative et résumante la transcription d'un évènement, la critique d'une situation fondamentale, le retentissement d'une sensation prenante. lci la gravure est une sorte de semainier qui retient dans une invention spontanée, volontaire et ironique les instants où le monde affleure avec plus de présence dans la conscience de l'artiste. Elle enregistre ses réactions.

Mais regardons quelques estampes.
«Les chaises» rendent l'écho de ce vertige àla fois onirique et vécu qui saisit l'homme dans la déréliction de l'infini. Le tournoyement efface le monde extérieur et toute la vie s'abandonne et se raccroche à |'unique sentiment de la réalité du dedans. Il y a «Les trois hommes », mur aveugle comme la fosse qui s'éIargit devant eux, anonymat puissant figé dans une menace qu'un seul mouvement rendrait moins infléchissable, plus humaine. Cette gravure est d'autant plus tendue que la vue plongeante est celle de la fermeture et du silence. «Le grand saut» traduit le somnambulisme triomphant des forces anéantissantes qui dépouillent l'homme de son élan profond pour lui substituer celui de I'uniforme. de I'éclatement dérisoirement héroïque et théâtral. «Dieu le père» est peut-être l'une des dernières représentations du Créateur à une époque où la théologie dépeint Dieu sans Dieu. Sa majesté devenue minuscule flotte dans ses vêtements, perdue entre le plongeoir terrestre, un cercueil – à qui destiné, puisque selon l'artiste il est vide? – et les immémoriales puissances cosmiques qui vont le happer.
Daniel Divorne fait confiance à l'image, à son pouvoir d'inquiéter, d'exposer une pensée humaine. Avec une insistance discrète il marque un temps d'arrêt – et d'interrogation nécessaire – dans le bombardement visuel à quoi nous sommes exposés et qui nous use le regard. Celui de Divorne possède cette lucidité assurée et expressive qui suscite l'attention et nous tourne vers la vie.

 

Rainer Michael Mason

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